Le Petit Entrepreneur #5 - Rémunération & Précarité

Le Petit Entrepreneur #5 - Rémunération & Précarité

Les patrons touchent des centaines de milliers d’euros en salaires et parachutes dorés, c’est bien connu ! Comment ça non ?

Le préjugé qu’un patron gagne forcément bien sa vie est tenace dans notre pays. Cependant, bien des entrepreneurs peinent à stabiliser leurs revenus et vivent dans une inconfortable précarité.

Bouh le vilain mot n’est-ce pas ? La précarité n’est pourtant pas quelque chose de mauvais. Dans beaucoup de pays, les gens vivent avec et ce sont des sociétés qui tournent plutôt bien.

Mais en France, tout est construit pour être durable. Ce qui fait de la précarité une mauvaise situation et chaque entrepreneur l’a senti à un moment donné. C’est les règles du jeu, il faut les connaître et les accepter avant de vouloir jouer.

Cependant, il existe bien des façons de se rémunérer décemment et de gérer cette précarité afin de tenir la distance en tant qu’entrepreneur.

La rémunération

En tant que gérant non-salarié (ou assimilé), vous ne percevez pas de salaire mais des indemnités de gérance. Il faut savoir que ces revenus sont complètement variables car ils dépendent directement des bénéfices générés par votre activité.

Et ça ne joue pas en votre faveur. Peu importe que vous puissiez présenter des revenus de 3/4000€ par mois pendant 6 mois, les banques et organismes associés ont bien conscience que cela peut changer d’un mois sur l’autre.

La précarité n’est pas une question de montant, c’est une question de régularité. Ce que vous ne pouvez garantir en tant qu’entrepreneur.

On parle de stratégie de rémunération, car vous devez calculer ce que vous vous donnez, pour optimiser les différentes taxes et impôts que vous devrez payer. Cela ne sert pas à grand chose de gagner beaucoup en tant qu’entrepreneur par exemple. Surtout dans les petites structures où votre argent est bien mieux dans votre trésorerie que sur votre compte personnel.

Dans les médias, l’optimisation fiscale est souvent associée à de la fraude fiscale, alors que ce sont des mécaniques parfaitement légales. Certes, parfois borderlines, et souvent complètement abstraites, ça n’en reste pas moins légal.

Et c’est même nécessaire pour répartir ou équilibrer les différents flux financiers.

En 2019, vous êtes imposables sur la tranche 1 à partir de 9964€, sur la tranche 2 à partir de 27519€. Autant le premier palier est un peu difficile à ne pas franchir, mais le deuxième représente un revenu mensuel d’environ 2300€ par mois. Vous pouvez-donc plafonner vos revenus pour ne pas franchir ce palier.

Plutôt honorable quand on sait que ce n’est pas le seul moyen de se rémunérer.

Passer gérant salarié est une bonne idée quand vous avez la visibilité sur votre activité pour vous le permettre. Vous conserverez les droits et libertés associés au statut de gérant, en bénéficiant de la stabilité salariale tant demandée.

Si cela se fait bien dans des structures comportant déjà des salariés, c’est plus compliqué dans le cadre des TPE/PME où la moindre charge imprévue peut faire pencher la balance. Vous avez également des charges en tant que dirigeant non salarié, mais elles sont bien souvent agençables en fonction de vos revenus réels.

Avantages en nature

Flexibles et facilement justifiables, vous pouvez faire passer pas mal de charges du quotidien comme outil nécessaire à votre activité. Vous pouvez par exemple payer votre forfait Internet et téléphone via votre société, vos places de parking, des péages, du matériel etc…

L’avantage de cela est qu’en tant que frais d’entreprise, vous serez remboursés de la TVA, si vous y êtes assujettis bien entendu.

Pendant un temps, les patrons se rémunéraient de larges sommes grâce aux indemnités kilométriques. Il est vrai que si vous suivez le barème 2019, une voiture 5CV qui est utilisée sur un aller-retour Lyon-Marseille (environ 600km), cela représente 325€ d’indemnités kilométriques.

L’Etat demande de tenir un classeur des trajets effectués, pour pouvoir contrôler ces usages, mais honnêtement, même aujourd’hui, ça reste difficilement traçable.

Il n’y a pas vraiment de règles, si ce n’est que toute dépense pouvant être effectuée dans le cadre de votre activité peut-être considérée comme une note de frais, et donc être passée sur les comptes de votre société.

Il est même possible de payer une partie de son loyer et de ses charges via sa société, si vous disposez d’un bureau chez vous. (Il faudra tout de même le déclarer à votre assurance qui vous rajoutera un petit supplément donc bon… A calculer :)).

Usez de votre bon sens. Il est vrai que l’Etat ne peut pas tout contrôler, mais il suffit d’une fois pour risquer votre société.

Monter un dossier quand on est précaire

C’est le moment complexe. Le cas se présente forcément dans votre vie, que ce soit pour obtenir une location, un crédit ou des aides sociales.

Oui, car tout le monde utilise la précarité en sa faveur : comme vos revenus sont irréguliers, il n’y a pas beaucoup d’aides sociales auxquelles vous pouvez prétendre. Si aujourd’hui, vous êtes éligibles à une aide, ce ne sera peut-être pas le cas l’an prochain. Les dossiers de dirigeants sont traités plus durement que les autres de part cette instabilité potentielle, avec laquelle notre système n’est pas du tout à l’aise.

Comme vos revenus dépendent directement de la santé financière de votre entreprise, il faut montrer aux organismes que TOUT VA BIEN.

Les documents importants pour montrer ça sont :

  • Les 2 derniers bilans comptable
  • Un instantané de la situation au moment où vous montez le dossier
  • Les statuts de la société (pour vérifier vos parts)
  • Vos 2 dernières déclarations fiscales ou sociales

Peut-être vous êtes vous posé la question en lisant ces lignes, oui, j’ai conscience que cela implique d’avoir à minima 2 ans d’activité en tant que gérant. C’est ce qu’il faut pour présenter une stabilité financière et honnêtement, même 2 ans, c’est peu pour les organismes…

Voilà d’autres points qui joueront dans l’appréciation de votre dossier :

  • Demandez en priorité à des banques/organismes qui vous connaissent
  • Indiquez votre statut conjugal et la situation financière de votre conjoint.e si elle est stable
  • Présentez un apport supérieur à celui demandé, autant que possible.
  • Il revient régulièrement que les banques de province semblent plus prompts à la discussion également.

Il y aura toujours une part d’aléatoire dans votre dossier. Il n’existe pas de barème officiel pour ça, chaque organisme fixe des pseudo-règles et acceptera/rejettera votre dossier. C’est surtout votre présentation de la situation qui va les rassurer, si vous avez l’opportunité de vous vendre lors d’un entretien.

Focalisez-vous sur tous les éléments pouvant rassurer l’organisme auquel vous soumettez le dossier. S’il y a des impairs visibles, justifiez-les. Montrez que vous maîtrisez les flux financiers de votre activité et que vous serez à même de gérer l’emprunt demandé.

Si vous n’êtes pas micro-entrepreneur, vous avez forcément un comptable. N’hésitez pas à lui demander des conseils et des recommandations sur la situation de l’entreprise.
Il pourra vous indiquer si c’est un bon moment pour vous lancer dedans ou s’il y a des ajustements à faire pour améliorer vos chances.

Quand on se lance dans l'entrepreneuriat, on accepte toutes les règles qui accompagnent cette vie. La stratégie de rémunération et la précarité qui va avec est une composante essentielle tant elle va influer sur votre situation personnelle et familiale.

L’instabilité financière est une source d’anxiété certaine, et le principal obstacle quand on veut se lancer dans quelque chose. Surtout en France où l’on demande 3 fois le montant d’un loyer pour une simple location.

Être entrepreneur, c’est avoir conscience de cette instabilité, d’apprendre à la gérer et d’arriver finalement à en extraire le potentiel. Les limites sont celles que vous vous imposez.

Ce sont des gymnastiques mentales abstraites, mais, une fois habitué aux règles et aux petites nuances, vous parviendrez sans aucun mal à optimiser vos revenus et à ne plus ressentir cette précarité que l’on assigne à votre statut.

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